Laboratoire LEFMI

Axes de recherche

Monnaie et Finance : Théories, mutations, innovations

1.1 THÉORIE, POLITIQUES ET INNOVATIONS MONÉTAIRES

Les innovations qui sont à l’œuvre dans le domaine monétaire, l’émergence de nouvelles formes de monnaies numériques (Bitcoin, crypto monnaies, monnaies digitales de banque centrale, projets de monnaies GAFAM) amènent à repenser la monnaie en réinterrogeant la théorie monétaire, et en menant une réflexion sur l’articulation entre les mécanismes économiques et les institutions qui les encadrent et l’évolution des formes monétaires.

De nombreux questionnements émergent qui sont autant de pistes de recherche à creuser:

  • En reprenant l’hypothèse de la monnaie comme institution et médiation sociale, et en partant de la définition de G. Simmel (1907) de la monnaie comme « créance sur la société »: Qu’y a-t-il derrière ce terme société? Est-ce l’Etat, symbole du tout social? Est-ce une communauté? Qui est légitime pour représenter le collectif? Qu’est-ce qui fait société?
  • Quelles sont les conséquences d’une privatisation croissante de la monnaie? Comment repenser les modes de régulation? Quels sont les enjeux pour le système bancaire actuel? Sur quoi porte la menace, quelle forme de concurrence?
  • Assiste-t-on à une nouvelle guerre des monnaies (monnaies publiques, monnaies privées)? Cela pose la question du conflit public/privé quant à l’émission de la monnaie. Cela pose aussi la question du lien entre monnaie et pouvoir.
  • Quelle sera la réaction des régulateurs et des gouvernements? Que penser des projets de monnaies digitales de banque centrale?

Les transformations qui sont à l’œuvre aujourd’hui dans le domaine de la monnaie ne sont pas de simples effets conjoncturels post-crise: elles augurent des changements plus profonds qui amènent à penser aussi les mutations actuelles du capitalisme. Ainsi, l’évolution du réseau Internet désormais dominé par les Big Tech (GAFAM), des oligopoles puissants capables de rivaliser avec les Etats, et l’information et la collecte des données personnelles comme sources principales de profit, conduisent à réfléchir au nouveau régime de croissance et aux nouvelles modalités d’action d’un capitalisme dit « informationnel ». Or, il nous paraît essentiel de resituer dans cette perspective l’ambition des GAFAM à émettre leur propre monnaie, comme en témoigne le projet Libra (rebaptisé Diem désormais) lancé par Facebook en 2019. Il nous semble crucial de saisir les enjeux économiques, politiques et institutionnels de cette nouvelle génération de monnaies digitales privées, comme la manifestation emblématique de ce capitalisme de plateformes.

Au-delà de la monnaie seule, il serait intéressant de mener une réflexion plus large, qui pourrait mobiliser des problématiques croisées avec d’autres disciplines (gestion, droit, informatique, sociologie des usages numériques), de manière à mettre en évidence les logiques qui se profilent aujourd’hui dans les nouvelles dynamiques du capitalisme: l’organisation de l’économie en réseaux, le capitalisme informationnel et les révolutions technologiques qui l’accompagnent: intelligence artificielle, le développement des blockchains. 

Les transformations observées dans le domaine de la monnaie ont lieu en même temps que des changements fondamentaux de la politique monétaire (taux d’intérêt négatifs, achats massifs de la dette, etc.). La politique monétaire est au cœur de la lutte contre la crise et la pandémie, et son rôle dans le financement de la dette publique est crucial. 

Les dangers potentiels d’une augmentation des bilans des banques centrales sont très grands. La gestion des dettes publiques des pays de la zone euro, la stabilité du secteur bancaire, ainsi que la survie même de l’euro deviennent des préoccupations cruciales. Les défis de la politique monétaire proviennent également des projets monétaires numériques et décentralisés discutés auparavant, ce qui a incité l’État et les autorités monétaires à lancer des initiatives de monnaie numérique banque centrale à grande échelle. L’analyse de ces initiatives se doit d’être au centre de notre attention. 

Les prochains défis pour la politique monétaire et la banque centrale devront aussi relever des questions liées au changement climatique et à l’accompagnement optimal de ce changement par la sphère financière. 

  • Allons-nous devoir privilégier des solutions de marché (comme la mise en place des marchés carbone en Europe) ou bien confier ce sujet à des organismes et à une régulation publique, si tant est que nous considérions avant tout la nature et le climat comme des biens communs, publics? 
  • Les banques centrales auront-elles un rôle fondamental à jouer (verdissement de la politique monétaire, orientation des crédits vers des investissements de long terme liés à la transition énergétique etc.)?

Enfin, nous nous intéressons à la dimension internationale de la politique monétaire. Comment évoluera le système monétaire international, quelle sera la place de l’euro dans ce système ? Quel avenir pour la zone euro et la politique monétaire européenne ? Quelles réformes peuvent être proposées au niveau européen et international ? Comment fonctionnent les processus modernes de politique monétaire et les banques centrales dans différents pays et régions, tels que l’Europe, les Balkans, l’Afrique, les pays arabes, la Russie etc. ?

Monnaie et Finance : Théories, mutations, innovations

1.2 FINANCE, BANQUES, MARCHÉS ET INNOVATION

Lors de chaque crise, le fonctionnement des marchés financiers et les produits qui s’y échangent sont mis en cause. De nouvelles réglementations sont censées pallier les failles mises en lumière par la crise. La valorisation des actifs et la mesure du risque ainsi que leur gestion subissent de profonds changements, de nouveaux produits sont proposés aux investisseurs. Les institutions, existantes ou nouvellement créées, sont amenées à jouer un rôle primordial dans la restauration d’un nouvel équilibre fondé sur le retour de la confiance des investisseurs et la crédibilité du cadre institutionnel. 

Un premier volet des travaux développés par les chercheurs de cet axe vise à élargir la connaissance relative à la manière par laquelle la finance éthique, socialement responsable ou encore non-conventionnelle peut contribuer à redonner aux marchés financiers leurs fonctions initiales de financement, diversification et valorisation des risques. Déclinaison financière du développement durable, la notion d’Investissement Socialement Responsable (ISR) fait référence aux formes d’investissement intégrant, outre la dimension de performance en termes de couple rentabilité – risque, des critères extra financiers, notamment des considérations sociales, éthiques ou encore environnementales. L’ISR est passé, en très peu de temps, d’un statut d’investissement de niche à celui d’un véritable style d’investissement. L’intérêt pour ce style d’investissement est soutenu en partie par les performances reportées : investir de manière socialement responsable semble procurer des performances financières équivalentes ou supérieures aux placements traditionnels. De tels résultats vont à l’encontre des fondements de la théorie moderne du portefeuille et, de manière encore plus générale, du principe de l’orthodoxie financière. Nous devons donc étudier l’impact réel de l’apparition et la prolifération des actifs éthiques, leur viabilité à long terme ainsi que la portée exacte des critères qui régissent le qualificatif « éthique » attribué à certains actifs financiers. 

En même temps, la dynamique des flux de fonds éthiques tout comme la perception des investisseurs quant au filtrage éthique peuvent être affectés par des facteurs culturels. L’importance de la culture dans la détermination de l’organisation de la société est maintenant avérée. Ainsi, la culture nationale peut également jouer un rôle dans la gouvernance des entreprises, tout particulièrement dans la structure et fonctionnement des conseils d’administration. Il est naturel de penser que le contexte culturel peut influencer par exemple la promotion des femmes aux postes à responsabilité. Cette diversité du conseil d’administration peut être un levier permettant d’accroître le potentiel de création de valeur en privilégiant les compétences, l’apprentissage et la capacité d’innovation.

Enfin, alors que le réchauffement climatique, causé par les activités humaines, se fait davantage ressentir, les émissions de gaz à effet de serre poursuivent leur tendance haussière. Dans ce registre, les entreprises ont une part de responsabilité importante avec les externalités négatives, notamment environnementales, qu’elles provoquent dans leurs activités économiques. Or, ces dommages représentent un montant colossal pour la société. En parallèle, les investisseurs institutionnels détiennent une partie significative des actions cotées dans le monde. Dès lors, de par leur poids important sur les marchés financiers, ces investisseurs de long terme ont un rôle à jouer pour influencer les politiques environnementales des entreprises dont ils détiennent des participations. Il devient donc primordial d’analyser les leviers qui pourraient expliquer l’engagement de ces fonds contre les externalités environnementales et sociales produites par les entreprises.

Par ailleurs, les importantes innovations technologiques qui accompagnent le développement des pratiques financières contemporaines (ex: big data, blockchain, crowdfunding, cloud computing, regtech, assurtech, neobanque, etc…) peuvent constituer des leviers significatifs d’une plus grande intégration des enjeux éthiques et sociétaux. Face, par exemple, à l’asymétrie d’information qui constitue une source importante des risques financiers, le recours au big data peut offrir un moyen de mieux apprécier certains de ces risques à travers une analyse plus précise et plus riche des comportements et caractéristiques individuelles. En effet, avec une granularité de plus en plus fine des informations disponibles, il devient possible aujourd’hui d’appliquer des statistiques au niveau de l’individu. Les entreprises sont également assises sur des mines d’informations relatives à leurs opérations qui, une fois collectées, organisées et croisées avec d’autres données externes, peuvent offrir une vision quantifiée et élargie de leur empreinte. On peut donc aisément préfigurer l’ampleur des usages possibles de ces « nouvelles données » par le biais de leur traitement algorithmique, de l’intelligence artificielle et des avancées dans l’informatique quantique. En gestion d’actifs, le big data pourrait également compléter la mesure des risques financiers en recourant à des modélisations et optimisations de portefeuilles qui intègrent toutes sortes de données liées aux externalités sociales et environnementales des entreprises.

Le déploiement de nouveaux moyens de coordination par le biais du numérique peut faciliter les pratiques managériales inclusives favorisant une participation toujours plus accrue des parties prenantes dans la gestion et le processus décisionnel des entreprises. Le crowdfunding illustre la potentialité de ces nouveaux usages dans la démocratisation de certaines fonctions d’intermédiation économiques (prêteur, investisseur) jusque-là réservées aux initiés. Il permet également une interpénétration des objectifs économiques et sociaux en favorisant le partage d’informations non strictement quantitatives ayant pour finalité de (re)créer des leviers de l’action collective qui contournent les institutions traditionnelles.  Ainsi, de manière paradoxale, l’usage du numérique s’inscrit dans une volonté de plus en plus marquée des épargnants d’ancrer leurs choix économiques dans une quête de socialisation, de sens et de retour à l’Humain.

Nos travaux proposent donc de questionner la manière dont les nouveaux usages du numérique peuvent contribuer à une meilleure intégration des enjeux environnementaux et sociaux comme nouveaux facteurs de risque dans les pratiques financières.

Enfin, la gestion d’actifs à l’international permet aux investisseurs de diversifier leurs richesses sur plusieurs marchés financiers. Cette gestion est devenue internationalisée grâce au démantèlement des barrières à l’investissement international, à la baisse des coûts de transaction et à la forte interconnexion entre les différentes places financières.  Dans cette logique de globalisation des marchés et à la lumière de la crise sanitaire, nous pourrons nous interroger sur les méthodes classiques d’allocation et de modélisation des prix des actifs. A ce niveau, plusieurs questions seront abordées : Comment la crise sanitaire a-t-elle affecté les marchés boursiers ? Comment peut-on mesurer les gains ou les pertes de diversification sectorielle en période de crise sanitaire ? Comment peut-on modéliser les effets informationnels sur les cours des actifs financiers en période de crise et de post-crise ? Dans la mesure où les marchés boursiers sont considérés comme efficients, peut-on vérifier l’intégration informationnelle par les méthodes classiques de type études d’évènements ? Peut-on proposer des modèles conditionnels pour estimer les rentabilités anormales dans le cadre des études d’évènements ? La modélisation des cours boursiers sur la base de processus à saut ou de Poisson permet-elle de capter l’effet positif et/ou négatif de la crise et proposer un modèle d’évaluation des actifs adapté à ce contexte ?

Un acteur incontournable sur les marchés financiers est l’Etat. La question de la gestion du surendettement des débiteurs souverains et des défauts qui peuvent en découler revient très souvent dans les débats. La manière dont le défaut est géré (restructuration, renégociation, réduction de la dette), le montant des réductions potentiellement consenties par les créanciers, le déroulement temporel des opérations représentent des points cruciaux. Une partie des travaux développés par les membres de cet axe ont pour objectif d’explorer ces questions dans le cadre de la crise des dettes souveraines en Europe. Notre questionnement porte sur la manière dont l’appartenance à la zone monétaire a conditionné la gestion des difficultés d’assurer le service de la dette des pays membres de l’union ainsi que les mécanismes par lesquels cette crise des débiteurs souverains s’est transmise au sein de l’union.

Explorer la dynamique des crises financières ainsi que le rôle que peuvent jouer l’Etat et d’autres institutions dans la restauration de la confiance sur les marchés financiers, comprendre les innovations dans le domaine des pratiques financières mais aussi au niveau de la régulation ne peut pas se faire sans une connaissance solide de l’histoire. En effet, « History has a way of repeating itself in financial matters because of a kind of sophisticated stupidity » disait Kenneth Galbraith. C’est la raison pour laquelle une partie significative des travaux de cet axe utilisent l’approche historique en finance (ou la finance historique) qui s’attache à comprendre les expériences du passé en relation avec celles contemporaines afin d’aboutir à une meilleure compréhension du fonctionnement et des dynamiques des marchés financiers.

L’analyse de la dynamique des crises financières impliquant les dettes souveraines est intimement liée au rôle joué par les gouvernements, les institutions nationales et supranationales ainsi que par leurs décisions politiques et économiques. La crédibilité des décisions prises est tout aussi importante que le contenu de ces décisions. La mise en place d’institutions peut contribuer à atténuer ce problème de crédibilité. Nos travaux explorent le rôle que les institutions peuvent jouer dans la restauration de la crédibilité d’un débiteur souverain et, par la même, dans la réduction du coût de sa dette. Toutefois, on peut également s’interroger si dans certains cas, les institutions ne pourraient pas accorder trop de pouvoir aux créditeurs en leur offrant l’opportunité d’extraire une rente de leur position. La crédibilité peut aussi être renforcée par la présence de garanties. Même si l’usage du collatéral est devenu plus rare aujourd’hui, il subsiste un certain nombre de situations de défaut et restructuration de dettes souveraines (surtout à cause de changements légaux mais aussi de la présence des fonds vautours) qui entraînent des litiges avec et entre les créanciers et dans lesquels la question des garanties associées aux dettes en litige devient cruciale. Ces situations sont d’autant plus complexes que l’identification et l’évaluation de telles garanties reste une tâche extrêmement compliquée. De plus, la saisie de telles garanties soulève des questions allant au-delà de la sphère financière et économique, car pouvant affecter même la souveraineté politique de l’Etat débiteur. Une analyse croisée des propositions et modalités pratiques, tant au cours de l’histoire que durant la période contemporaine, de la gestion des dettes souveraines faisant référence à un collatéral pourrait permettre de dégager des enseignements importants quant à l’impact de ces garanties sur la souveraineté économique/financière mais aussi politique d’un Etat.  

 

 

Organisation, innovations industrielles, firmes multinationales

2.1 INNOVATION ORGANISATIONNELLE, POLITIQUES D'INNOVATION, ENTREPRENEURIAT, RÉSEAUX

Le questionnement « fil rouge » de cet axe porte sur les modèles et caractéristiques organisationnels sous-tendant ce processus de construction des innovations. En particulier, nous nous interrogerons sur le renouvellement des agencements organisationnels à même de supporter des innovations de rupture. Celles–ci reposent sur une Gestion des Ressources Humaines autorisant, favorisant une certaine contestation, de l’expérimentation, une prise de risque, un droit à l’erreur et encourageant les désapprentissages tout autant que les apprentissages, sur une culture organisationnelle, mais aussi sur des espaces dédiés à la créativité (espace de co-working…)…Si plusieurs pratiques de GRH sont reconnues comme étant des leviers d’innovation, plusieurs questions restent en suspens comme celle relative à l’articulation des stratégies RH au développement de capacités dynamiques. La question des structures organisationnelles – ambidextrie structurelle, contextuelle, temporelle ou de réseau – à privilégier pour promouvoir l’équilibre et l’harmonie à opérer entre exploitation et exploration reste un champ de recherche fécond. Plus généralement, les initiatives visant à promouvoir de nouvelles pratiques, de nouvelles structures ou de nouveaux systèmes peuvent être considérées comme des innovations managériales dont les effets en boucles peuvent conduire à d’autres formes d’innovations (de produit, de processus, de commercialisation…), sources d’efficacité économique et/ou sociale.

Mais nos réflexions poussent aussi à comprendre comment les innovations peuvent être accompagnées avec la création de services ad-hoc (incubateur, accélérateur, etc.), de nouveaux dispositifs institutionnels (cluster, réseau, pôle de compétitivité,…), de nouveaux métiers (animateurs, brokers,) et de politiques adaptées. L’innovation ne peut plus s’envisager dans le strict cadre des frontières organisationnelles. Le développement de business models ouverts pose le problème de la valorisation des ressources internes hors du champ de l’entreprise (mouvement inside-out) et la capacité à aller chercher en dehors les ressources susceptibles d’être valorisées en son sein (outside-in). Cette origine externe des innovations ne se limite pas à des partenaires identifiés, mais s’ouvre aussi à une pluralité d’individus (le crowd) utilisée tant pour sa contribution à générer et apporter des idées créatives qu’à soutenir les conditions de réalisation des projets (financières, sociales, politiques…).

Sur une échelle macroéconomique, l’ambition est également de mobiliser les ressources institutionnelles, entrepreneuriales et sociétales qui fondent l’innovation. L’innovation englobe l’utilisation des connaissances, la diffusion des capacités technologiques et le développement comme fin et moyen de la construction de compétences nationales.  A ce titre, les politiques d’innovation se conçoivent au sens large, en considérant l’ensemble des contextes macroéconomiques sur lesquels elles se fondent.

Ces politiques ne doivent pas suivre les diktats de la globalisation mais doivent se construire dans un contexte essentiellement dynamique à la fois par un soutien financier et par la stimulation de la dynamique d’interactions collectives. Cette stimulation passe par la construction de conditions favorables au contexte d’innover : politiques sociales, politiques éducatives, politiques fiscales, politiques d’apprentissage et toutes autres politiques d’appui à la R&D et à la Science et Technologie. De nombreux pays ont déjà mis en place des structures d’appui à la R&D accompagnées de politiques fiscales incitatives (Chine, Japon, USA). D’autres économies sont davantage dans un cadre de structuration de leurs institutions afin de promouvoir les capacités d’innovation nationales. Les degrés de transfert de connaissances à travers les capacités technologiques s’édifient sur des socles infrastructurels et institutionnels très hétérogènes, donnant au final un cadrage technologique et d’innovation particulier à chaque pays. Nous souhaitons approfondir l’analyse en termes de capacités d’innovation pour mieux comprendre les dynamiques sous-jacentes inscrites sur une échelle locale, régionale, nationale, ou internationale.

Enfin, sur une échelle mésoéconomique, la notion de Système d’Innovation crée un cadre de mis en regard croisé de différents contextes institutionnels qui orientent le contenu d’une politique d’innovation. Ce contenu peut davantage focaliser le curseur d’analyse sur l’amont du changement technologique au niveau des politiques de recherche ou sur l’aval du changement technologique sur les dynamiques entrepreneuriales. Nos recherches s’appuieront également à cette échelle sur l’étude des Systèmes d’Innovation, dont l’objet est déjà bien présent dans la littérature en économie de l’innovation, et qui s’apprécient actuellement sous l’angle du développement économique, de la transition écologique et de l’économie circulaire.

Organisation, innovations industrielles, firmes multinationales

2.2 FIRMES MULTINATIONALES, TRANSFORMATIONS INDUSTRIELLES, CAPITALISME INFORMATIONNEL

Nos recherches, en s’appuyant sur l’accès à des bases de données, portent sur l’impact de l’activité des firmes multinationales au vu de :

  • La nature et le contenu des firmes filiales des multinationales dans les espaces nationaux, dont les fonctions supports (finances, comptabilité, marketing, ressources humaines, ….) sont externalisées dans différents centres délocalisés – tant sur l’espace européen que mondial – ce qui pose question sur le contenu ‘entreprise’ des filiales des multinationales ;
  • Les chaînes logistiques internationales de valeurs induisant des transferts de valeurs de nation à nation et vers les paradis fiscaux, avec déconnexion 
  • d’une chaîne d’approvisionnement en matière premières, emballages, premiers sous-ensembles façonnés, qui sont mis à la disposition des unités de fabrication  (centres de coûts), et qui sont propriétés de la société amont localisée dans un paradis fiscal
  • d’une chaîne de création de valeurs de marchandises à partir des unités de fabrication en direction de différents marchés, mais dont la réalisation est assurée par la société amont détentrice des droits de propriété sur les marchandises produites,
  • le tout combiné à une chaîne fictive de rémunération des marques de la chaîne valeur, marques détenues par des sociétés localisées dans des paradis fiscaux ;
  • Les délocalisations des activités industrielles et des fonctions supports vers les pays à bas salaires ;
  • La fragmentation des systèmes productifs nationaux quant à la couverture de leur activité économique, suite aux éclatements respectifs de la chaîne d’approvisionnement des firmes, de la chaîne de création de valeurs des marchandises, de la chaîne de rémunération des marques ;
  • L’évolution de l’emploi des filiales des multinationales et des compétences, avec un éclatement des collectifs de travail et perte de représentation de leur activité ;
  • Les alternatives de reprise des activités en économie solidaire des filiales menacées de fermeture ou délocalisées  ;